« Elle se tourna et vit un homme qu’elle crut d’abord ne pouvoir être que Monsieur de Nemours, qui passait par-dessus quelques sièges pour arriver où l’on dansait. Ce prince était fait d’une sorte qu’il était difficile de n’être pas surpris de le voir quand on ne l’avait jamais vu, surtout ce soir-là, où le soin qu’il avait pris de se parer augmentait encore l’air brillant qui était dans sa personne »… « quand ils commencèrent à danser, il s’éleva dans la salle un murmure de louanges… Madame de Clèves revint chez elle, l’esprit si rempli de tout ce qui s’était passé au bal que, quoiqu’il fut fort tard, elle alla dans la chambre de sa mère pour lui en rendre compte ; et elle lui loua Monsieur de Nemours avec un air qui donna à Madame de Chartres la même pensée qu’avait eu le chevalier de Guise » (c’est-à-dire qu’elle était amoureuse de Monsieur de Nemours) et elle avait raison … « Les jours suivants, elle le vit.. jouer à la paume avec le Roi, elle le vit courir la bague, elle l’entendit parler ; mais elle le vit toujours surpasser de si loin tous les autres et se rendre tellement maitre de la conversation dans tous les lieux où il était, par l’air de sa personne et par l’agrément de son esprit, qu’il fit en peu de temps, une grande impression dans son cœur ».
Madame de Lafayette, La princesse de Clèves, Gallimard, folio classique, édition de Bernard Pinguaud, 2000, extraits des pages 67, 68 et 69