Un jour de fête, Shei Shonagon, suivante à la cour impériale du Japon, désire voir passer un cortège.
« En voyant arriver, dans un endroit où les véhicules étaient déjà serrés les uns contre les autres, des voitures occupées par des personnages de marque, et, derrière celles-ci, les voitures de leurs serviteurs, très nombreuses, je me demandais où elles iraient se caser toutes. Mais à ce moment, les hommes, en tête du cortège, sautèrent à bas de cheval, et firent reculer bien vite celles qui étaient arrêtées. Il était superbe d’admirer avec quelle rapidité avec laquelle on plaçait les chars des seigneurs et, à leur suite, ceux des valets. Mais comme les carrioles de peu d’apparence que l’on avait ainsi écartées semblaient pitoyables, pendant qu’on y attelait les bœufs, et qu’elles partaient pour aller chercher où se placer !
On ne pouvait pas être aussi brutal quand il s’agissait de superbes voitures. Parmi toutes celles qui s pressaient là, il en était de très jolies ; mais il s’en trouvait d’autres qui avaient un air campagnard, étrange. Les personnes qui les occupaient appelaient sans cesse leurs servantes et leur donnaient des bébés à tenir. »
Shei Shônagon, Notes de chevet, traduction et commentaires par André Beaujard, Connaissance de l’Orient, Gallimard / Unesco, 1966, Page 240
Hormis mon obsession pour les questions de stationnement en milieu hostile, je note une forte attention portée à la chose automobile par une suivante de la cour impériale japonaise du XIème siècle, mais aussi cette remarque finale sur les bébés dont on se débarrasse dans les bras des servantes.