« Elle ne donne pas dans son livre le nom du camp, Auschwitz. A la première page qui évoque l’arrivée des convois, elle l’appelle « la plus grande gare du monde ». Ceux qui arrivent cherchent le nom du lieu. « C’est une gare qui n’a pas de nom. Une gare qui pour eux n’aura jamais de nom ». Dans le livre qu’elle consacrera à l’histoire de chacune des femmes de son convoi, elle écrira : les deux premiers mois au camp, « cent cinquante sont mortes sans savoir qu’elles étaient à Auschwitz. » Quand elle rentre en France définitivement, elle achète la plus petite gare du monde et fait poser le nom du lieu sur les murs. »
Ghislaine Dunant, Charlotte Delbo, la vie retrouvée, Bernard Grasset, 2016, pages 9-10
L’auteure Ghislaine Dunant évoque la plus petite gare du monde, l’ancienne gare de Breteau, que Charlotte Delbo a acheté comme maison de campagne au début de années soixante, en contre point à la rampe d’arrivée du camp de la mort. Son salon conserve les bancs de la salle d’attente de la gare désaffectée. Elle laisse les anciens du village venir s’y reposer.
« Ça ne ressemble pas à une gare, il n’y a pas de panneau, pas de nom, juste les voies au milieu du paysage glacé de la plaine et les quatre wagons ouverts. La vingtaine de wagons en tête du train où étaient montée à Compiègne les 1200 hommes prisonniers ne sont plus là. Elles sont seules, femmes, et luttent pour ne pas se sentir si vulnérables. »
Ghislaine Dunant, Charlotte Delbo, la vie retrouvée, Bernard Grasset, 2016, page 57