Dans ce passage, Marina Tsvetaeva avoue avoir emprunté une image à sa Sonetchka. Alors qu’elle écrit son dernier ouvrage en prose, à Lacanau-Océan, peu après la mort de Sonetchka en Russie, elle avoue cet emrpunt, ce vol, elle rend encore hommage à sa Sonetchka. Et on apprend la naissance d’un poème délicat tel un haiku, et l’éternel de la poésie.
« Toutefois, il y a un vers que je lui ai volé : à elle qui n’en écrivait pas, qui de sa vie n’en a jamais écrit – moi avec mon honnêteté infinie, exemplaire – oui, je l’ai volé. C’est l’unique plagiat de ma vie.
Un jour, elle me racontait un de ses chagrins :
-Oh ! Marina, j’avais de si grosses larmes – plus grosses que les yeux.
-Vous savez, Sonetchka, le moment viendra où je vous volerai cela pour le mettre dans un poème, car c’est tout à fait merveilleux, précis et…
-Oh ! Prenez, Marina ! Prenez tout ce que vous voudrez. Prenez tout de moi pour vos poèmes, prenez-moi toute entière ! Car, entre vos mains, tout vivra – éternellement !
Tandis que moi, qu’en restera-t-il ? Quelques baisers…
Et voilà que trois ans plus tard (qui sait, peut-être jour pour jour) :
A l’heure où mon doux frère
A dépassé le dernier frêne
(En pensée : - arrière !)
Larmes grosses – plus que les yeux.
A l’heure où mon doux ami
A contourné le dernier cap
(En pensée : - reviens !)
Envol large – plus que les bras.
Les bras quittent les épaules !
Les lèvres suivent et conjurent !
La parole a perdu ses sons,
La main a perdu ses doigts.
A l’heure où mon doux hôte…
Jette sur nous un regard ! – ô Dieu !
Larmes grosses – plus que les yeux
Des hommes – et que les étoiles
De l’Atlantique…
Les étoiles de l’Atlantique scintillent au-dessus d’un endroit qui s’appelle Lacanau-Océan, là où j’écris ma Sonetchka, et, les regardant hier, après minuit, je me suis souvenue de ces vers, mais à l’envers : au dessus de l’Océan, les étoiles sont plus grosses que les yeux ! la boucle est refermée. »
Marina Tsvetaeva, Histoire de Sonetchka, clémence hiver éditeur, 1991 (livre acheté à la Librairie de livres anciens Les Amazones, rue Bonaparte, Paris), pages 47-48
« Je n’avais pas plutôt séché une larme salée sur ma joue qu’une autre suivait. Pourtant je me disais que j’aurais pu être heureuse car aucun des Reed n’était là. Ils étaient tous sortis en voiture avec leur mère. (…) cet état des choses aurait dû être un paradis de paix, habituée que j’étais à une vie de réprimandes incessantes et d’esclavage ingra, mais, en réalité, mes nerfs ébranlés étaint maintenant dans une telle condition qu’aucun calme n’eût pu les apaiser ; aucun plaisir les stimuler agréablement. »
Charlotte Brontë, Jane Eyre, folio classique, page 56
"Mais l'infortuné n'avait pas le don des larmes, il n'avait rien de ce qui traduit éloquemment le langage de l'âme."
George Sand, Indiana, folio classique, page 184