
« Les livres me sont bien parvenus, le Stevenson est tellement beau qu’il fait honte à mes étagères bricolées avec des caisses à oranges, j’ai presque peur de manipuler ces pages en vélin crème, lisse et épais. Moi qui ai toujours eu l’habitude du papier trop blanc et des couvertures raides et cartonnées des livres américains, je ne savais pas que toucher un livre pouvait donner tant de joie. »
Helene Hanff, 84 Charing Cross road, Editions Autrement, 2001, page 9
« Tu vas voir, je vais t’apprendre à fouiller dans mes livres. Ils m’appartiennent. Toute la maison
m’appartient ou m’appartiendra dans quelques années. Va te mettre à côté de la porte, à l’écart de la glace et des fenêtres.
Je m’exécutai sans tout d’abord deviner ses intentions ; mais quand je le vis saisir le livre et le soupeser pour m’en bombarder, je fis instinctivement un écart en poussant un cri pour donner
l’alerte. Pas assez vite toutefois ; le volume partit, m’atteignit et je tombai, me blessant la tête contre la porte que je heurtai. »
Charlotte Brontë, Jane Eyre, folio classique, page 41
« Il s’empara d’une jolie édition de l’Odyssée, qui était derrière lui sur une étagère, et la déposa sur la table avec autorité :
« Regard, Msabu, dit-il, ça c’est un bon livre. Il tient ensemble du commencement à la fin, même si on le prend par le dos et même si on le secoue. L’homme qui l’a écrit était fort, mais toi ce que tu écris, regarde, ajouta-t-il, avec un léger mépris mêlé de beaucoup de compassion, rien ne se tient dans ton livre, il y en a un peu par-ci, un peu par-là. Quand les gens entrent et oublient de fermer la porte, tout s’envole, tout tombe par terre et tu es très fâchée. Ça ne sera pas un bon livre. »
Karen Blixen, La ferme africaine, France Loisirs, page 46