News

Orléans, 19 mars 2020

 

Tôt ce matin, j’ai essayé de capter l’attention d’un voisin ouvrant ses persiennes de l’autre côté de la rue. J’ai observé sa manœuvre depuis mon jardin, au-delà du toit du garage, de mon mur de façade, de l’étroite rue ; au premier étage, sa main sur la tôle beige, puis son bras repliant le volet, je pensais voir au bout de ce bras, son épaule, son visage, qu’il me voie, et je lui ferais un signe de la main, je montrerais ma présence et j’accueillerais la sienne. Juste un signe, comme un petit salut flottant depuis un train, ou un bateau ou un quai, un geste furtif sans conséquence, puis l’éloignement sans lendemain. Pourquoi ce simple geste, l’envie de faire ce geste, est-elle soudainement tenace ?
J’avais eu le même mouvement d’attente et d’espoir l’après-midi du jour 1, à ma fenêtre du premier étage. Je voyais d’autres voisines, une femme, une fille dans une chambre ou un salon, je les voyais bouger et vivre, et, accoudée à ma rambarde de fenêtre, j’ai attendu plusieurs minutes qu’une d’elles lève ses yeux vers moi afin de pouvoir lui faire un signe, un sourire. Quel est ce besoin de créer un lien ? Une sorte de connivence, une reconnaissance que nous sommes dans le même bateau immobile, à quai.

Aujourd’hui ce serait un signe bien ancré d’une façade à une autre de la petite rue immobile. Ce salut de la main ne serait pas un salut fugace sans lendemain, car ces inconnus du quai seront encore là demain, et après-demain, puis après tout ça. Un jour nous parlerons peut-être.
 

J’ai loupé deux soirs de suite les applaudissements à la fenêtre pour remercier les soignants. Il y a assez peu de maisons et de fenêtres dans ma rue. Nous serions ridicules, comparés aux salves sonores de mains dans les résidences du 15ème arrondissement de Paris.
Mais tout de même, si nous applaudissions ensemble,
les mains de ce voisin invisible,
cette femme et cette fille,
l’un de mes enfants et moi-même,
des gestes de la main avec des lendemains,
je serais submergée de vagues de larmes, dans ma frêle coquille d’humanité.

 

.......

 

 

« larmes », langage de l'âme

 

"Mais l'infortuné n'avait pas le don des larmes, il n'avait rien de ce qui traduit éloquemment le langage de l'âme."


George Sand, Indiana, folio classique, page 184

 

Retrouvez l’entrée « larmes » de l’encyclopédie des femmes en cliquant ici

 

Septembre 2019, Orléans


Après trois années de quasi silence, l'encyclopédie des femmes reprendra peut-être de la voix, depuis son nouveau quartier général à Orléans. Orléans est belle est pleine de promesses livresques et féministes : librairies, bouquinistes, livres anciens, des associations comme Arts et Littératures au pluriel, Mix Cité 45, le parlement des écrivaines francophones, Nous toutes. De nouveaux portraits et extraits sont en cours d'accrochage dans la galerie des citations de femmes ! 
 

 

 

Livre(s). Helene Hanff fournit à l'encyclopédie des femmes une ribambelle d'entrées pour Livre. Avec effarement je découvre que je n'avais pas encore partagé d'entrées Livre sur le site. L'outrage est réparé avec Charlotte Brontë et Karen Blixen. 

 

Avec cette dernière, nous découvrons la définition d'un "bon" livre, grâce au petit servant Kikuyu de la baronne, confus face aux pages manuscrites éparses, se saississant d'un exemplaire relié de l'Odyssée en contrepoint des tentatives risibles d'écriture de sa maîtresse.

 

Une joyeuse nouvelle année pour l'encyclopédie des femmes avec de nombreuses entrées autour des livres et de l'écriture. Je ressors un livre serré dans ma bibliothèque en attente de lecture depuis des années. 84, Charing Cross Road de Helene Hanff. Helene, écrivaine et scénariste sans le sous, depuis sont petit studio New - Yorkais, entretient une correspondance excentrique de plusieurs décennies avec un libraire de livres anciens à Londres. C'est un recueil de ces lettres qui la sort de l'anonymat, lui permet de se rendre en Angleterre, de rencontrer l'actrice qui jouera son rôle dans l'adaptation théâtrale du recueil. La lecture de 84, Charing Cross Road est une joie, en hiver sous un plaid en région parisienne. Et c'est un régal pour l'encyclopédiste. Voir la nouvelle entrée Ecrire. Heureuse année de lectures !

 

Janvier 2018

Un dimanche matin de septembre, sans crier gare, le livre de Ghislaine Dunant intitulé Charlotte Delbo, la vie retrouvée s’immisce dans les interstices, entre le marché et les devoirs des enfants. Ce weekend ennuyeux de plomberie se mue en une découverte, celle du personnage de Charlotte Delbo, écrivaine, résistante, déportée.  Avec elle, une nouvelle entrée Gare dans l’encyclopédie des femmes. Et une remarque, comme pour Dominique Missika sur Bertie Albrecht et Lydia Salvayre avec 7 femmes, encore une femme qui écrit avec sensibilité et passion sur la vie d’une autre femme. Les mères transmettent le matrimoine.

Septembre 2017.

 

Une amie me parle d’un mouvement politique nouveau, de son mode de fonctionnement et de ses modalités d’adhésion light, pas de cotisation, pas de carte, un clic… Entrer dans un parti politque ? Non, jamais ! attachée comme je le suis à l’exposé de Simone Weil dans sa Note sur la suppression générale des partis politiques, écrite à Londres en 1943.

Simone Weil, la philosophe française, a toujours été dans l’action, dans l’engagement, dans la rigueur intellectuelle et la congruence entre ses actions et idées.  Accepter un dogme, qu’il soit religieux ou politique, revient pour elle à abdiquer sa liberté de pensée. Elle n’était pas une intellectuelle dans sa tour, mais dans l’expérimentation, elle vit, pense, ethnographie en immersion participative totale (voir son Journal d’usine). Albert Camus la disait le génie du siècle, De Gaulle à Londres en 1943 se serait exclamé « cette femme est folle ! » (dans un contexte qui reste toutefois à vérifier, apparemment, elle aurait demandé à être parachutée en France occupée, mais quand on connait sa tendane à se plonger au cœur des choses, ce ne serait qu’un symptome de son génie).

Ses démonstrations sont rigoureuses et pédagogiques. Dans sa Note, elle démontre qu’adhérer à un parti politique, c’est renoncer à la pensée. Il faut vraiment lire le texte en entier pour suivre son exposé. Quand mon amie me parlait de ce mouvement politique nouveau, j’avais en tête cette partie de la Note de Simon Weil. Je décide le soir même de relire ce texte. Or, j’avais totalement oublié la seconde partie de son discours, celle où elle esquisse des modalités nouvelles possibles de la vie politique. Faire de la politique sans se dire d’une étiquette ou d’une autre, mais en raisonnant selon les sujets dans l’objectif du bien. Je n’avais pas prêté attention à cette proposition de la philosophe, cela me paraissait totalement utopique… à l’époque.

Juin 2017.

Une autre année de l’encyclopédie des femmes, année marquée par les sœurs Brontë. Après le choc de Hurlevent d’Emily Brontë (préface de Patty Smith en folio) la lecture de tout autre roman paraissait inutile. Le blocage. Puis petit à petit, le cheminement dans l’œuvre des autres sœurs, Charlotte, puis Anne. L’univers des gouvernantes anglaises du XIXème, pauvres filles de pasteurs sans héritage ni dot. Et une collision intéressante : Chanson douce de Leïla Slimani. Les gouvernantes du XXIème siècle. Les nounous. Ces femmes qui permettent à d'autres femmes d’avoir une vie en dehors de la maison, d’être au monde dans l’action. Mais qui s'intéresse à leurs vies à elles ?

 

Pour 2017, je vous invite à faire un détour par l’entrée « action » de l’encyclopédie des femmes, une perle venue du fond de la lande du Yorkshire. Belle et heureuse année !

Les lectures à la librairie reprendront bientôt.

 

Mercredi 18 mai, 19 heures, le point et les actualités de l'encyclopédie des femmes à la librairie des éditions Des femmes - Antoinette Fouque, 33-35 rue Jacob, Paris

Qui sont ces 6 écrivaines sur 3 siècles des Lagarde & Michard de notre Bac français ?

Une pétition en ligne d’une professeure de français, Françoise Cahen, demandant quelques écrivaines au programme du Bac de français (ce serait fou, non ?) a reçu une réponse ministérielle favorable vendredi 13 mai 2016.

Les manuels scolaires vont peut-être évoluer. Mais pour des générations, il y a un sacré rattrapage à faire !


A l’origine de l’encyclopédie des femmes, il y avait un constat d’absence de références féminines dans notre univers de référence immédiat, ces grands noms que l’on a à portée de main, que l’on cite, comme ça, sans avoir trop à creuser dans les méandres de sa mémoire. Pour trouver des femmes, il fallait vraiment les chercher. Alors, je suis partie à l’aventure.
J’ai pris les livres d’écrivaines, ceux de ma bibliothèque, ceux que l’on me conseillait, ceux que j’ai toujours voulu lire sans jamais en avoir pris le temps. Et un par un, ils y passent, page par page, dans les interstices d’une vie par ailleurs bien remplie.

J’ai regardé dans les vieux Lagarde et Michard de ma classe de première. Quand on se prête à cet exercice, on comprend vite l’origine des lacunes dans nos références …

Sur trois beaux siècles, le XVIIème, le XVIIIème et le XIXème, seulement six noms d’écrivaines selon mon décompte personnel.

XVII ème : Melle de Scudéry, Mme de Sévigné, Mme de Lafayette
XVIII ème : aucune
XIX ème : Mme de Stael, Mme Desbordes-Valmore, George Sand (remarque : statuts maritaux inclus !)

On peut commencer par elles, mais encore ? Professeur.e.s de français, à l’aide !

Flash News : Pour la Lecture à la Librairie du mois de mai, le 18 mai 2016 à 19 heures,  l’encyclopédie des femmes sera à la librairie des éditions Des femmes – Antoinette Fouque !

23 avril 2016 -  Comment passer de Madame de Genlis à Angela Davis entre deux tartines

Tout a commencé à la table du petit-déjeuner avec les enfants, un matin de semaine avant l’école.  Nous parlions des devoirs ou de l’apprentissage de l’anglais. Je venais de lire des notices biographiques sur Madame de Genlis (Stéphanie-Félicité de Crest, comtesse de ~, 1746-1830) ; certains de ses écrits figuraient sur une liste de livres anciens de la librairie Les Amazones.
 

Cette femme hors du commun fut gouvernante, ou plutôt, enseignante, des enfants d’Orléans, dont le futur Louis-Philippe. Bref, pour revenir au petit-déjeuner : j’indique aux enfants que Mme de Genlis dans ses prouesses éducatives faisait parler les enfants royaux en anglais au petit-déjeuner, en allemand au déjeuner, en latin au souper, et pour qu’ils fortifient leurs muscles, elle avait inventé des semelles de plomb à fixer aux souliers pendant la promenade. Et j'ajoute, comme j’aurais très bien pu ne pas l'ajouter : Madame de Genlis a rencontré Voltaire et Rousseau. Au son de ce « Voltaire et Rousseau »,  la petite entre deux tartines entonne un couplet de la chanson  « Lily» de Pierre Perret, et ça donne :
 

« Elle arrivait des Somalies, Lily
Dans un bateau plein d´émigrés
Qui venaient tous de leur plein gré
Vider les poubelles à Paris.
Elle croyait qu´on était égaux, Lily
Au pays de Voltaire et d´Hugo, Lily … »

 

« Voltaire et Rousseau » devint « Voltaire et Hugo »  et nous fit prêter attention aux pérégrinations de cette petite Lily des Somalies.  Savez-vous que Lily a rencontré Angela Davis dans un meeting à Memphis ? Siiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! Comment ? Quelques couplets plus loin :

« Elle a essayé l´Amérique, Lily
Ce grand pays démocratique Lily,
Elle aurait pas cru sans le voir
Que la couleur du désespoir
Là-bas aussi ce fût le noir.
Mais dans un meeting à Memphis, Lily,
Elle a vu Angela Davis, Lily,
Qui lui dit viens ma petite sœur,
En s´unissant on a moins peur
Des loups qui guettent le trappeur.
Et c´est pour conjurer sa peur, Lily,
Qu´elle lève aussi un poing rageur Lily,
Au milieu de tous ces gugus
Qui foutent le feu aux autobus
Interdits aux gens de couleur… »

 

CQFD ; nous voilà sur le Genlis-Davis express, via Voltaire, Rousseau, Hugo, Pierre Perret et la petites Lily des Somalies.
(Je note en passant Waris Dirie, Ayan Hirsi Ali et Rosa Parks, pour peupler l'encyclopédie des femmes).
 

A ce stade, je propose de saisir le Dictionnaire universel des créatrices aux édition Des femmes-Antoinette Fouque, tome 1, page 1168, pour lire la notice biographique d’Angela Davis.

Mais à la table du petit-déj' avec les enfants, il y a un livre illustré qui va très bien : ça s’intitule « Elles ont réalisé leur rêve » de Philippe Godard et Jo Witek, aux éditions de La Martinière Jeunesse. Page 182, on tombe sur la belle afro d’Angela Davis, des articles, des photos. Je revois son visage, celui du portrait de la couverture de son autobiographie, que j’ai lue à l’âge de 14 ou 15 ans, à ma table de petit-dej’ peut-être. J'étais passionnée par le courage de cette femme dans l’Amérique ségrégationniste de son enfance, avec sa sœur, à l’université, avec les Black Panther, en prison, sur une accusation fausse, son intelligence, son courage. La même semaine, je découvre le podcast de « ça peut pas faire de mal » sur Inter ; Guillaume Gallienne lit des extraits de l'autobiographie d'Angela Davis, elle est interviewée, elle parle extrêmement bien le français. Je sais qu'elle était de passage à Paris en novembre 2015 pour recevoir un prix, je le signale aux enfants. La petite, s'exclame entre deux tartines : « Elle est encore en vie ! ». Les enfants ont tendance à penser que les héroines n'appartiennent qu'aux temps passés.

 

Avis aux ami.e.s de l’encyclopédie des femme , si vous retrouvez un exemplaire de cette édition des années 80 de l’autobiographie d’Angela Davis, offrez-le moi !

 

 

18 mars 2016 – Marina Tsvetaeva est là, avec Simone Weil

Comme annoncé sur twitter, Marina Tsvetaeva est enfin là, aux entrées « amour », « larmes » mais aussi à « temps » et à « chat ».

Mais il s’est passé quelque chose. Dans l’intervalle.

S’est inscrite sur la toile de fond de la lecture de Tsvetaeva, la lecture de Simone Weil, avec la  Note sur la suppression générale des partis politiques. Lecture qui a elle-même mené à un recueil de lettres et de textes de Simone Weil, La condition ouvrière, en folio essais, et plus particulièrement au Journal d’usine, qui figurait depuis de longs mois à la bibliographie de l’encyclopédie des femmes.

Or, il se trouve que l’entrée « Temps », sous-entrée « écoulement du ~ » inspirée par Tsvetaeva et sa petite Sonetchka a appelé magnétiquement un extrait du Journal d’usine de Simone Weil.

Car il fallait mettre en lien ces différentes vues de l’écoulement du temps. Différentes vues, mais une sorte de lien tout de même. A Moscou dans la cuisine de Marina en 1917 ou 1918, aux débuts de l’ère bolchevik, juste après la révolution, parmi les acteurs du studio, dans la tête de la ravissante Sonetchka observant un sablier. Et dans l’usine Alsthom en 1935, ou Weil vit, note, digère dans son corps et dans sa tête la journée de l’ouvrière dans la métallurgie. Elle veut comprendre pour transformer, et elle prend parait-il un peu de recul vis-à-vis de ses camarades révolutionnaires, qui n’ont pas eux mis le pied à l’usine.

18 janvier 2016 – Lecture à la Librairie, lettre A, « ami », « amour »

Merci aux fans et fidèles de lundi soir, vous avez bravé la bise et brisé la glace pour être à la séance 3 de l’encyclopédie des femmes à la Librairie.
Rappel des faits.
1/Je construis l’encyclopédie universelle dont les femmes sont sujets et non objets.
2/ L’encyclopédie des femmes est comme un accrochage de tableaux (les extraits d’écrits de femmes) en cours. Donc ne soyez pas surpris si vous avez l’impression de visiter un chantier (il ne sera jamais achevé) et si la visite n’est pas toujours guidée. C’est normal.
3/ Les mots du jour : « ami.e.s » et « amour ».

Pourquoi et dans quelle mouvance ça s’inscrit ? Cet accrochage est une œuvre qui veut transmettre, et s’inscrit dans un mouvement : celui de contribuer à la visibilité des femmes, de ce qu’elles ont dit sur le monde, de leur voix et regards, de leurs productions, de leurs vies insolites, intrépides ou banales.  C’est une expérimentation, et pour l’instant on se demande en chœur : à quoi ressemblera l’encyclopédie des femmes, et que nous apprendra-t-elle ? Il vous faudra un peu de patience.

Une autre question : la question des Lectures , « and so what ? »  Ecouter un dictionnaire en train de s’écrire, ça fait voyager, du coq à l’âne. Vous êtes les témoins privilégiés des atermoiements encyclopédiques en action, vous constatez un état des lieux à un instant t. Mais ce n’est pas forcément très drôle, de lire un dictionnaire, dans l’ordre alphabétique, et d’aucun de se dire « and so what ? ». Où elle est ma petite histoire, avec un début, un milieu, une fin et une morale de l’histoire ?

Cette séance, il y a donc eu un début, un milieu et une fin. Au début, la question, où va-t-on ? Puis, la variété et la profusion des paroles de femmes sur un sujet, et cela nous emporte quelque part, ce peut être inattendu. Ainsi, la liste des amis féministes et intellectuels de gauche de Berty Albrecht, au grand désarroi de son époux, banquier dans la City. Voir entrée « ami.e.s ». Les amours entre une bonne sœur et un curé. Voir entrée « amour ». On sort de la binarité femmes-hommes pour retrouver une singularité de l’individu, dans son regard et sa prise de parole, dans ses comportements, pas toujours conformes aux attentes. Et si on sortait juste des cadres en quête de sa liberté, dans sa singularité, avec infiniment de respect pour autrui, qu’il soit dans, ou hors-cadre ?


Bonne année 2016 !

6 janvier 2016 - Une journée d’épiphanie

Grand prix du festival d’Angoulême 2016 : 30 dessinateurs de BD nommés ; aucune dessinatrice. Riad Sattouf se retire en signe de protestation.
Lagarde et Michard du XIXème siècle : 38 hommes ; 3 femmes. Emile Zola accuse et se tire de la liste des sélectionnés
Noms des 73 promos de l’ENA depuis 1946 :  4 femmes. Copernic fait un demi-tour sur lui-même et s’éclipse, Condorcet renonce au droit de cité.
Panthéon : 72 hommes ; 3 femmes. Voltaire se barre.

Pour Angoulême, la liste des nommés va finalement peut-être inclure des dessinatrices.
Pour les autres listes, pour l’étendue de notre univers de références culturelles, on verra ce qu’on peut faire. En attendant, avec l’encyclopédie des femmes, on peut envisager des efforts de rattrapage.

Une entrée « B.D. » est inaugurée.

« Mais comment tu vas raconter ça dans des petites cases ?! »
Catel, Ainsi-soit Benoîte Groult, Grasset, page 126

 « J’ai vraiment eu l’impression, en voyant Catel s’emparer de ma vie, d’entrer dans un univers de liberté, de vérité et d’humour. »
Benoîte Groult, Ainsi soit Benoîte Groult de Catel, Grasset, préface, page 7

Ainsi qu’une entrée « cagoule ».

« - J’ai rendez-vous avec l’adjoint au maire.
-Vous ne pouvez pas rentrer avec un foulard. Il vous faut une cagoule. »

Marjane Satrapi, Persepolis, L’association

16 décembre 2015 - Hommage aux femmes de 42 ans qui persévèrent dans l’étude

Rien n’est fortuit. C’est la veille de la soutenance de thèse de mon amie que je lis le Discours sur le bonheur d’Emilie du Châtelet. Là, place d’honneur est faite au goût pour l’étude. L’étude comme source du bonheur vient avant l’amour, et après la santé, et surtout l’étude est une source qui jaillit de la soif d’indépendance.

« Par cette raison d’indépendance, l’amour de l’étude est de toutes les passions celle qui contribue le plus à notre bonheur. »
Emilie du Châtelet, Discours sur le bonheur, Rivage poche, petite bibliothèque, page 52

Emilie du Châtelet parle depuis son siècle, le XVIIIème, aux côtés de Voltaire ; elle parle d’un siècle où les petites filles sont privées de l’étude, ou presque (voir L’éducation des filles au temps des Lumières, de Martine Sonnet) et sa pertinence demeure pourtant pour bien des femmes.
« Il est certain que l’amour de l’étude est bien moins nécessaire au bonheur des hommes qu’à celui des femmes. Les hommes ont une infinité de ressources pour être heureux, qui manquent entièrement aux femmes. Ils ont bien d’autres moyens d’arriver à la gloire, et il est sûr que l’ambition de rendre ses talents utiles à son pays et de servir ses concitoyens, soit par son habileté dans l’art de la guerre, ou par ses talents par le gouvernement, ou les négociations, est fort au-dessus de celle qu’on peut se proposer pour l’étude ; mais les femmes sont exclues, par leur état, de toute espèce de gloire, et quand, par hasard, il s’en trouve quelqu’une qui est née avec une âme assez élevée, il ne lui reste que l’étude pour la consoler de toutes les exclusions et de toutes les dépendances auxquelles elle se trouve condamnée par état. » Emilie du Châtelet, Discours sur le bonheur, Rivage poche, petite bibliothèque, pages 52-53

Mais comme le rappelle Elisabeth Badinter dans la préface du Discours, si l’étude console, elle suscite sarcasmes d’autres femmes et ironie agressive des hommes de sciences.  Car Emilie du Châtelet a su devenir la représentante officielle de Leibniz en France, la traductrice des Principia de Newton, une grande mathématicienne de son siècle et de notre histoire.

Pour les femmes de 42 ans qui persévèrent dans leur goût pour l’étude aujourd’hui, si le sarcasme est plus feutré qu’au XVIIIème, pour peu qu’elles soient affublées d’enfants et encombrées d’un travail alimentaire à plein temps, il demeure souvent une sourde incompréhension face à l’insulte qu’elles prononcent au cercle des attendus posés sur leurs séants.

Ainsi donc, l’entrée « éducation » est une entrée phare de l’encyclopédie des femmes, tout comme sa petite sœur, l’entrée « alphabétisation », et je salue mon amie.

La forme guide le fond, et le train guide les deux

Evoquant les incontournables Power-point de toute présentation professionnelle qui se veut telle, une amie me disait que la forme dicte le fond, non sans résignation. L’encyclopédie des femmes n’échappe pas à cette règle, et de façon encore plus radicale : ici, le moyen de transport guide et la forme, et le fond.

Autant, dans le train, lire quelques pages d’Hannah Arendt, et envoyer un tweet semblaient une évidence, autant, l’absence de ces trajets réguliers ébranle un schéma confortable. Tout d’abord, les possibilités de lectures sans bornes se croisent et s’empilent. La lecture de fond d’Hannah Arendt, déjà ponctuée par celle de Jacqueline de Romilly (livre aperçu au Relay de la gare Saint-Lazare qui m’a séduite discrètement), se trouve maintenant balayée par les 7 femmes de Lydie Salvayre, qui m’a lui-même incité à me procurer illico Hurlevent d’Emily Brontë. Halte là !

Donc, Hannah, me revoilà, à pied, à cheval ou en vélo.

 « Le travail, certes, produit aussi pour une fin : celle de la consommation ; mais comme cette fin, la chose à consommer, n’a pas la permanence dans le monde d’une œuvre, la fin du processus ne dépend pas du produit fini mais de l’épuisement de la force de travail ; et, d’autre part, les produits eux-mêmes redeviennent immédiatement des moyens, moyens de subsistance et de reproduction de la force de travail. Dans le processus du faire, au contraire, la fin n’est pas douteuse : elle arrive dès qu’un objet entièrement nouveau, assez durable pour demeurer dans le monde comme entité indépendante, a été ajouté à l’artifice humain. »

Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, Calmann-Lévy, Agora, page 195.

Une entrée « faire » mais aussi « travail » ou « consommation », ou les trois, à voir. Mais aussi, maintenant, il y a un site internet.

 

23 novembre 2015 - Lecture-performance

L'encyclopédie des femmes à la Librairie Pierre Prévost à Paris, séance 2

Nous ouvrons les pages de l'encyclopédie des femmes aux mots "action" et "amant", avec des musiques d'Ethel Smyth.

5 novembre 2015 - Hélène Sabatier, avec l'encyclopédie des femmes, parmi les lauréates du concours Femmes en vue de Vox Femina et France Média Monde. L'encyclopédie des femmes est une œuvre engagée, drôle et impertinente, un contre-pied réjouissant de notre monument national du siècle des Lumières, l'encyclopédie universelle.

3 octobre 2015 - naissance de l'entrée "accouchement'

Mon ami libraire était vaguement inquiet avant d’entendre l’entrée « accouchement », séance 1 de l’encyclopédie des femmes, dans sa version live. Mais ça a été : « Finalement, c’est juste une occasion de parler un peu de tout ».


Eh bien, oui, c’est tout à fait ça l’encyclopédie des femmes. On parle un peu de tout. Partant de la question très simple « si les femmes avaient tenu la plume, qu’auraient-elles écrit dans l’encyclopédie universelle ? », l’encyclopédie des femmes parle, naturellement, de tout


Je dévoile tout de même les coulisses de l’entrée « accouchement ». Au départ, il n’y avait qu’une citation de Margaret Mead. Puis j’ai déplacé l’entrée « avoir des fils », et lui ai adjoint l’entrée « quelle malheur de naitre fille ». Puis naturellement, l’entrée « production du vivant » empruntée à Antoinette Fouque est arrivée.

J’ai aussi fait remonter « grossesse » à la lettre « A » avec « accouchement »… et quelques autres petits tours de passe-passe. Finalement, ça m’arrangeait bien d’accoucher de l’encyclopédie des femmes avec « accouchement ».

 

« Pourquoi élever la voix contre moi ? Ce petit naîtra quand il voudra. C’est un être humain et c’est lui qui choisit l’heure de sa naissance. Ce n’est pas comme un porc ou un chien qui vient au monde quand d’autres disent que c’est le moment. »
L’un et l’autre sexe, Margaret Mead, Gallimard, Folio essais, page 55

21 septembre 2015 - Lecture-performance
L'encyclopédie des femmes à la librairie Pierre Prévost à Paris, séance 1
Nous ouvrons l'encyclopédie des femmes à la lettre A, à l'entrée "accouchement", et avec le tableau Bulle de Brigitte Leonelli.

28 mai 2015 - Pas la peine de faire un blog

A ce rythme-là, ce ne sera jamais fini. Bien sûr que non, et c’est bien ça l’idée. Je n’y consacre pas tout mon temps, comme le fait Jean-Yves Jouannais pour l’encyclopédie des guerres. Mais j’y suis pourtant presque tous les jours. L’encyclopédie des femmes vit et se vit, elle sera éternellement inachevée.

L'encyclopédie des femmes est un processus et le résultat de ce processus. Ce processus long, infini et fastidieux de la conception de l’encyclopédie des femmes appelle-t-il à laisser des traces ?

 

« There’s no doubt in my mind that I have found out how to begin (at 40) to say something in my own voice ; and that interests me so that I feel I can go ahead without praise. » Virginia Woolf, Quote from Diary, 1922 in introduction to Mrs Dolloway by Elaine Showalter, Penguin Modern Classics, page xvi.

 

C'est dans l'entrée "écrire" de l'encyclopédie des femmes. Paragraphe "Trouver sa voix/voie à 40 ans".

20 mars 2015 – Margaret, les sardines et moi

 

La création de l’encyclopédie des femmes m’amène à jongler avec le présent, alors que je plonge souvent mon regard dans celui des femmes du passé, je les regarde regarder leur monde.
Je suis en ce moment avec Margaret Mead chez les Arapesh en Nouvelle-Guinée dans les années 30, et je suis aussi sardinée avec les autres passagers du RER A. J’aimerais avoir un strapontin, pouvoir m’asseoir, sortir mon carnet de notes et écrire.
Ce carnet, cette recherche, c’est tout ce qui compte à présent. Pouvoir noter quelque chose, maintenant. Avant la station Charles de Gaulle-Etoile.

 

« Nous vivons à une époque où toute recherche doit être évaluée d’après son urgence. Ces questions sur le rôle réel et le rôle possible des deux sexes sont-elles purement académiques, s’écartent-elles trop des sollicitations pressantes de l’actualité ? Ces considérations ne sont-elles que passe-temps érudit et futile quand le feu est à la maison ? ».

L’un et l’autre sexe, Margaret Mead, Gallimard, folio essais, 1966, page 17

 

C'est à l'entre  "hobby ou passe-temps" de l'encyclopédie des femmes.

19 mars 2015 - L'encyclopédie des femmes au Musée d'Orsay pour le partenariat entre le Cercle des femmes mécènes et le réseau PWN Paris, avec les entrées "art", "crocodile" et "liberté".

1er mars 2015 - Sur le chemin du bureau

L’encyclopédie des femmes a une vie à elle
, elle se glisse copieusement dans des interstices improbables. Ce matin encore, en un clin d'œil, elle a fait le lien entre elle, moi, et le trottoir de l’avenue Hoche. Cette fois-ci, c’était sous les traits de Berty Albrecht, du haut de la plaque de son avenue, dans le 8ème arrondissement de Paris.

 

Elle m’a saluée ce matin-là. Berty Albrecht, résistante, 1893-1943. J’ai pensé à elle dans son salon à Londres avec ses amis peu fréquentables, des intellectuels œuvrant pour la santé sexuelle et reproductive des femmes, et les droits des homosexuels, à Lyon, rédigeant ses bulletins clandestins, dans son usine, avec Fresnay, dans sa maison dans le sud la France, puis brutalement, dans sa dernière cellule à la prison de Fresnes, j’ai pensé à son courage sur le chemin du bureau.

 

Trois mois après sa mort, le 26 août 1943, le Comité français de libération nationale (CFLN) décerne à Berthe Albrecht la croix de Compagnon de la Libération à titre posthume, avec cette citation, signée par le général de Gaulle : "Française d'un courage exceptionnel et d'une foi patriotique incomparable. Dès l'année 1940 a animé et inspiré la Résistance qu'elle n'a cessé depuis de servir. A délibérément sacrifié sa situation et sa famille." (...) Seules six femmes (sur 1061) sont Compagnons de la Libération : Berty Albrecht, Laure Diebold, Marcelle Henry, Simone Michel-Lévy, Emilienne Moreau-Evrard et Marie Hackin.” Dominique Missika, Berty Abrecht, féministe et résistante, Tempus, page 304

 

C'est dans l'entrée "Guerre" de l'encyclopédie des femmes.

 

19 février 2015 - Oublier les battements de son propre poul

Lendemain matin d'une étrange soirée télévisée, plongée dans les documentaires de France 2 sur l'extermination des juifs d'Europe. Soixante-dix ans depuis la libération d'Auschwitz.
On sait depuis que ce ne fut pas vraiment une libération, plutôt le constat d'un enfer à l'abandon. Les images et commentaires des historiens et témoins ont porté des détails que je ne connaissais pas encore. Comme l'existence d'un témoignage écrit d'un membre des sonder kommando, Zalmen Gradowski.  Il y a aussi l'envoi au camp de la mort de Chemlo d’un groupe d'enfants de moins de dix ans du Ghetto de Lodz, vers le 4 septembre 1942 je crois.

 

Et alors, ce matin, que me dit Margaret Mead ? Elle parle de l'utilité de l'anthropologie pour l'avenir de la civilisation.
"Si des gens simples demeurant sur une île ont pu oublier comment on construit une pirogue, des sociétés plus évoluées ne pourraient-elles pas elles aussi oublier quelque chose de tout aussi essentiel pour leur existence ? Est-il concevable par exemple que l'homme moderne ait oublié ses liens naturels avec le monde au point d'oublier le battement de son propre pouls, de ne plus écrire des poèmes qu'au rythme des machines, et de se trouver irrévocablement coupé de son propre cœur ?"

Margaret Mead, L'un et l'autre sexe, Gallimard, folio essais, Denoël/Gonthier, 1948, 1966 pour la traduction française, page 19

 

 Je pense ranger cet extrait sous l'entrée "cœur" ou "civilisation" de l'encyclopédie des femmes. Ou "pirogue". "Civilisation" serait un peu grandiloquent, "pirogue" trop décalé. Ce sera "cœur".

mots et plume

 

Bistrot Littéraire

Jeudi 27 novembre à 20h au Bistrot Campagnard , Bougival                                       

L’Encyclopédie des Femmes, une conférence-performance par Hélène SABATIER, qui donne à voir la réécriture en direct de l’encyclopédie universelle au travers de regards et voix de femmes. Nous commencerons par la lettre A.

Drôle, impertinente, attachante : l’encyclopédie crée des liens inattendus entres les époques, les personnages, des extraits d’œuvres et le public. Son contenu est recherché mais sa forme est légère !  C’est une invitation au voyage. Chacun et chacune y trouve ou retrouve quelque chose dans un moment de grâce suspendu dans le temps.

Pré-inscription à la librairie avant le 24 novembre

30 juin 2014 - Numéro pilote de l'encyclopédie des femmes

Chez Thaé, agence de philosophie, avec la sculpture Formes de Maryvone Gabeff, et les entrées "amant" et "amour".

Tweets de encycloDfemmes @encycloDfemmes
Version imprimable | Plan du site
© L´Encyclopédie des Femmes