attente de la ~ (au Kenya)

 

« D’immense nuages couleur de roses et de violettes s’assemblaient dans le ciel et se déversaient au loin en averses légères. Une même et unique pensée, pendant des jours, obsédait le monde entier. Et puis un soir, juste avant le coucher du soleil, on voyait l’horizonse reserrer brusquement, comme si les montagnes se rapprochaient de la maison, une vie soudaine animant leurs verts et leurs bleus profonds. En sortant quelques heures plus tard, je constatais que les étoiles avaient disparu, mais que l’air nocturle était chargé de promesses. Des souffles précipités passaient bientôt au dessus de ma tête, c’était le vent dans les grands arbres de la forêt, ce n’était pas encore la pluie. Un souffle balayait ensuite la terre, c’était le vent dans les herbes, et dans les buissons, ce n’était pas davantage la pluie. Vous entendiez encore un bruissement et un murmure au ras du sol, on eût dit le bruit joyeux de la pluie, - combien de fois ne m’y suis-je laissée prendre ? - tout frémissant que l’on est de voir paraitre l’acteur attendu : ce n’était pourtant pas la pluie.
Mais lorsque la terre répondait comme une table d’harmonie avec un rugissement sourd qui montait, lorsque le monde entier chantait autour de moi, par-dessus, par-dessous, par côté, partout, alors c’était la pluie. C’était comme le retour de la mer dont on aurait été longtemps sevré, comme l’étreinte du bien-aimé. »

Karen Blixen traduit du danois par Yvone Manceron, France Loisirs, pages 41-42

En lien avec l’expérience de l’attente de la pluie sur sa plantation de café, mon humble expérience de jardinière n’est rien aux côtés de celle de Karen Blixen. Une fois pourtant, la pompe du jardin a lâché en plein été, et seule une averse légère a rafraichi la terre, assez seulement pour coucher la poussière, mais pas pour la soif des plantes. Je me suis satisfaite que c’était mieux que rien pour les haricots et les tomates et qu’ils y survivraient, me voilant la face, avec une certaine gêne lancinante alors que je vaquais à des occupations autre que de me préoccuper de la façon dont je pourrais porter de l’eau au potager. Nous ne sommes pas autant attachés aux plantes que nous n'avons pas nous-même plantées – et dont notre survie de dépend point.

C’est l’absence de pluie qui poussa Karen Blixen à écrire romans et contes.

(voir entrée « écrire »)

 

 

Version imprimable | Plan du site
© L´Encyclopédie des Femmes