« Le « chef de famille » représentait les siens à l’extérieur, cela faisait partie de sa fonction, ce n’était pas une supériorité. Ainsi Isabelle (Isabelle est la grand-mère de l’auteure, née en 1862 et morte en 1947, elle a eu sept enfants), par exemple, fut pour son mari Firmin, marchand de vins, une collaboratrice efficace. Pendant qu’il faisait ses achats et ses livraisons (avec sa charrette, tirée par une jument), elle tenait la boutique, au début avec l’aide de sa propre mère, plus tard avec l’aide de ses filles aînées. Elle accueillait les clients, les conseillait éventuellement, et le soir, elle « faisait la caisse », c’est-à-dire qu’elle calculait le montant de la recette, et l’état des stocks. Elle ne se sentait pas exploitée : elle contribuait à la prospérité du ménage, prospérité dont elle profitait ainsi que les enfants. Firmin, très laborieux lui-même, lui en savait gré : « sans votre mère, disait-il à ses enfants, jamais je n’aurais pu faire ce que j’ai fait », à savoir, monter son commerce. »
Yvonne Knibiehler, Qui gardera les enfants ?, Calmann-Lévy, 2007